Un lieu, un temps, une promenade dans la nuit et l’esprit créatif de l’humain.

Dans la nuit, les choses et les formes revêtent une apparence différente. Difforme?Plus sombres, plus sourdes, plus incisives. Le soir, que vous soyez à l’abri chez vous ou sur un banc public, la sécurité n’est qu’apparente. Pour l’une, la menace d’une attaque née de l’esprit de l’individu lui-même. Pour l’autre, perceptible de l’extérieur et bien palpable. A lire la presse, les agressions de jour deviennent monnaie courante. Faut-il pour autant rester recroquevillé chez soi la nuit? Se promener dans le parc juste à côté de chez vous, vous vous autorisez à le faire parce que vous habitez là, à quelques mètres… Les chemins qui le traversent sont peu éclairés, mais suffisamment pour deviner l’ombre de votre silhouette sur le sol. Vous tentez de ne pas la perdre de vue tout du long. Elle est difforme et vous ne vous reconnaissez pas, l’ombre suit les irrégularités du sol. Tantôt elle disparaît, tantôt elle réapparaît. Son propriétaire, vous, est tenu en haleine. Votre esprit est en état de constante vigilance. Un combat entre la droite et la gauche de votre cerveau s’initie et l’issu est incertaine. « Non, je n’ai rien à craindre. Aucun fait divers, aucun massacre n’a eu lieu dans ce parc, depuis les années 60. Le quartier s’est embourgeoisé depuis » (la gauche). « Aucune garantie à ce jour, les quartiers populaires n’ont plus le monopole de la délinquance. La violence est partout. Même en toi » (la droite). Vous continuez votre route, vous avancez, d’un pas certain, alternant accélération pour atteindre la sortie du parc rapidement et décélération pour marquer votre assurance; signal fort à l’adresse d’un potentiel agresseur à l’affût. Un bruissement. Vous tendez l’oreille pour savoir d’où ça vient. Vous sentez votre coeur battre, une montée d’adrénaline. Le souffle coupé, vous ne respirez plus. Vous stoppez votre avancée. Ou plutôt votre corps l’a décidé. Vous n’avez pas été consulté. Paralysé, incapable de faire un pas de plus, vous attendez là, figé sur place. Entendre, sans percevoir. L’esprit, fertile, n’aime pas ça. Le cerveau reptilien exige une certaine matérialité de l’environnement à analyser: Fuir ou combattre? En l’absence d’informations suffisantes, c’est le black-out. La machine s’arrête. C’est la paralysie. Quelques fractions de secondes s’écoulent. Quand ça vous arrive, le temps vous paraît s’être arrêté. La scène devant vous défile alors au ralenti. C’est un mauvais moment à passer, mais on ne vous a pas donnée la télécommande avec la fonction accéléré. Le silence est pesant à cet instant. Il vous semble même qu’on vous a muni d’un casque anti-bruit. Puis un cri, strident, incisif, à vous glacer le sang, vous sort de la torpeur. Il vous faut quelques secondes pour reconnaître le cri familier du corbeau.

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